Le fonctionnement du folklore en france

Il y a presque un an, je vous parlais de ma proposition conjointe à la CNGFF et à Wikipedia. (Pour rappel, CGNFF : Confédération Nationale des Groupes Folkloriques Français.) En fin de compte, j'ai appris aujourd'hui par le vice-président national lors de l'AG de la fédération Pyrénées que le président de la CNGFF avait opposé son veto à ce partenariat (sans juger bon de m'en informer).
N'ayant pas baissé les bras, malgré le manque d'enthousiasme flagrant, j'ai proposé au mois d'avril un article de réflexion pour le faire paraitre dans Folklore de France, le magazine interne de la CNGFF. J'ai appris aujourd'hui, toujours par le vice-président national, qu'il ne sera pas publié, le président national (le même que ci-dessus) ayant opposé un veto (sans juger bon de m'en informer, derechef). Par conséquent, je livre cet article par mes propres moyens de publication, c'est à dire sur mon blog.

Cet article s'adresse aux personnes membres de la CNGFF et donc des groupes folkloriques. Il est écrit à la première personne du pluriel parce que, malgré tout, je suis encore membre d'un groupe folklorique, moi aussi.


Aujourd'hui, dans Folklore de France, non pas un article décrivant une partie de notre folklore, mais un article de propositions et de questions.

Commençons par le début.

FOLKLORE (subst. masc.) :

  1. Ensemble des arts et traditions populaires (d'un pays d'une région, d'un groupe humain). Par analogie : Ensemble des souvenirs, des sujets de conversation communs aux membres d'un groupe humain restreint.
  2. Discipline ayant pour objet l'étude des arts et traditions populaires (d'un pays, d'une région, d'un groupe humain)
  3. Ce qui est d'un pittoresque facile et dépourvu de sérieux. (Péjoratif.)

Étymologie : Emprunté à l'anglais folk-lore mot composé des deux termes saxons folk « peuple » et lore « savoir, connaissances, science » et proposé en 1846 par Ambrose Merton pour désigner ce qui était alors appelé "Popular Antiquities" ou "Popular literature".

FOLKLORISTE (subst.) : Personne qui recueille et étudie les arts et traditions populaires (d'un pays, d'une région, etc.).

l_archiviste.jpgVous reconnaissez vous dans ces définitions? Pour moi, seule l'étymologie et la définition 1 nous correspondent. La définition 3 est pour moi quelque chose que nous devons changer. Quand à la 2, elle est incomplète. Nous ne nous contentons pas d'étudier. Nous transmettons. Nous devons transmettre nos connaissances sur les arts, la culture et les traditions populaires. Et nous devons le faire en l'état.
Si nous ne transmettons pas, nous devenons des archivistes poussiéreux, contents de posséder la connaissance, se sachant savants par oppositions aux incultes. Ne tombons surtout pas dans ce travers.
Et si nous ne transmettons pas en l'état, alors nous dénaturons les connaissances, nous les transformons avant de les transmettre. Ne tombons surtout pas dans ce travers.

Et pourtant, j'ai connu ces 2 dérives dans certains groupes membres de la CNGFF. (Il est fort probable que des groupes folkloriques hors de la CNGFF fassent de même. Ils ne sont ni meilleurs ni pires que nous. Malheureusement, je n'ai pas pu les voir de mes yeux.) Je considère la première difficilement justifiable. La seconde l'est un peu plus. Pour le moment, nous ne transmettons que de quelques manières :

  • Les livres, considérés comme ennuyeux par beaucoup de nos contemporains
  • Les disques de musique, inintéressants pour une majorité de la population, vue la soupe à laquelle ils sont habitués
  • Les "spectacles vivants", rigolos, sympas pour passer une bonne soirée, mais qu'en reste-t-il le lendemain matin?

C'est le troisième point qui me chagrine vraiment. Pour attirer le public, pour nous conformer à ce qui est demandé par le public et par les organisateurs, nous avons tendance à faire du spectacle. Nous avons tendance à faire en sorte que nos spectacles, censés représenter la vie quotidienne, les coutumes, les traditions, etc., deviennent des moments de loisir où les gens viennent s'amuser. Je suis bien conscient que, si les gens ne s'amusent pas, ils ne viendront pas. Je suis bien conscient qu'il y a un équilibre entre l'amusement du public et la transmission de nos connaissances. Faisons en sorte de garder cet équilibre. Si nous devons pencher d'un coté, que ce soit plutôt celui de l'ennui et de la transmission exacte. Si nous partons vers la coté amusement et dénaturation, nous ne sommes plus des folkloristes. Or, il existe des groupes qui préfèrent modifier les chorégraphies des danses traditionnelles pour faire plus vite, plus beau, plus amusant pour attirer du public. Le public demande toujours de la nouveauté et du "plus".

On pourrait penser que, quel que soit le choix, le groupe folklorique est perdant. Oui, c'est fort possible si nous restons sur les trois manières de transmettre citées ci-dessus.

Il nous faut donc maintenant réfléchir à d'autres moyens de transmettre notre culture sans la changer.

Quelles options s'ouvrent aux groupes folkloriques pour agir ? Et quels seraient les buts de ces actions ?

  • "Spectacles vivants" théâtraux mélangeant musiques, chants, danses et scénettes
  • Prestations simples sur uniquement un "art" (chants / danse / musique) sans explication
  • Courtes présentations orales de costumes, de coutumes, de matériels (instruments de musique, outils, etc.)
  • Interventions dans des écoles et/ou centres aérés?
  • Participations à des œuvres textuelles, sonores, imagées initiées par d'autres personnes et/ou collectifs
  • Créations par nous-mêmes et éditions d'ouvrages textuels, sonores, imagés
  • Spectacles surprises (bœufs, flashmobs, ninja gigs et autres)
  • Collaboration avec d'autres artistes, pas forcement folkloristes
  • Autres idées qui ne me viennent pas à l'esprit

Chacune de ces options a des avantages et des inconvénients : budget, résultat, temps et lieu, organisation, liberté, etc. A chacun d'entre nous de réfléchir à ces avantages et inconvénients afin de trouver l'option la plus efficace pour le but à atteindre.

Ce n'est pas parce que nous transmettons des informations venant du passé que nous devons le faire de façon passéiste. Ne nous imposons pas cette limite.
En fait, à chacun d'entre nous de réfléchir pour transmettre de la manière la plus efficace le folklore le plus "réel".

Et pour nous aider à y réfléchir, voici quelques questions à nous poser :

  • Quel est l'état du folklore en France ? Êtes-vous satisfait de cet état ?
  • Quelle est l'image du folklore auprès des français ? Êtes-vous satisfait de cette image ?
  • Pensez vous que nous pouvons améliorer tout ça ? Pensez vous que nous devons améliorer tout ça ?
  • Quelle est la priorité des groupes folkloriques ? Proposer du divertissement, transmettre de la culture ou faire du fric ?
  • Comment récolter les financements nécessaires à nos activités ?
  • Quelles options s'ouvrent aux groupes folkloriques pour agir ? Et quels seraient les buts de ces actions ?

Je n'ai pas forcement de réponse, je voulais donner mon avis. C'est vous qui avez les réponses ou devez les trouver.


Ce que je reprochais aux folkloristes l'année dernière, ce que je leur faisais remarques dans le texte ci-dessus (écrit au mois d'avril), je l'ai encore vécu aujourd'hui : le syndrome de la Tour d'Ivoire.

En fin d'AG, après les différents débats et votes, une partie des présents s'est levé pour montrer le résultat de leur travail de l'année, sous la forme d'un enchainement de danses traditionnelles, le tout en costume traditionnel. Mis à part une ou deux erreurs (errare humanum est), l'enchainement était très bien, les danses elle-même aussi et la présentation intéressante. Mais tout cela s'est fait en petit comité, entre folkloriste, dans la salle réservée pour l'AG. En dix minutes en voiture, nous aurions été Place du Capitole, où les danseurs auraient pu faire la même prestation, mais en présence du public. Ça aurait demandé un poil plus d'organisation, mais ça aurait été tellement plus intéressant, à la fois pour les folkloristes et pour le public. Mais soit personne n'y a pensé, soit ceux qui y ont pensé ont jugé mieux de rester entre folkloristes.

Et s'ils continuent ainsi, malgré les nombreux efforts réalisés envers les enfants pour les faire venir dans les groupes folkloriques et ainsi renouveler les membres, s'ils continuent ainsi donc, le folklore ne vivra plus en France.

Commentaires

1. Le vendredi 25 octobre 2013, 09:44 par anais hoffmann

Article très intéressant, qui a le mérite de soulever des problématiques réelles auxquelles chaque folkloriste est confronté. La parution dans la revue Folklore de France aurait tout son sens. Merci à l'auteur!

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