L'instinct du raciste

Raciste : Celui, celle dont le comportement manifeste du racisme. [En parlant d'une pers.]
Racisme : Attitude d'hostilité pouvant aller jusqu'à la violence, et de mépris envers des individus appartenant à une race, à une ethnie différente généralement ressentie comme inférieure. Par analogie : Attitude d'hostilité de principe et de rejet envers une catégorie de personnes.

(Source : Trésor de la Langue Française informatisé, via http://www.cnrtl.fr/definition/)

Bon, je suis rassuré, je ne suis pas raciste. Du moins, je ne rentre pas dans la case définie ci-dessus. Avais-je vraiment besoin de me poser la question? En fait, oui. Je vais vous expliquer pourquoi.

Intellectuellement, je sais que je ne suis pas raciste. Intellectuellement, je sais que je n'ai aucune raison logique et acceptable de l'être. J'ai travaillé avec des personnes d'origines diverses et, sans vouloir faire le coup du "j'ai un ami noir", il m'est arrivé de passer de très bons moments avec des personnes d'autres origines ethniques que la mienne. (Pour tout vous dire, j'aurais aimé avoir aussi l'occasion de sentir sous mes doigts une peau d'une autre couleur que la mienne.) Et si je ne vais plus au Maroc, c'est simplement parce que je ne me sens pas à l'aise avec une partie de leur culture, sans considérer que cette partie ou que leur culture en entier est inférieure.

Mais, instinctivement, il m'est arrivé d'avoir une réaction de méfiance ou de colère ou de peur envers une personne qui, ostensiblement, ne fait pas partie du même "groupe" que moi. J'utilise "groupe", parce que même si cette réaction est déclenchée par la vue, elle ne se base pas que sur la couleur de peau.

Alors pourquoi cette réaction instinctive? A l'instar de l'homosexualité, je ne pense pas que le racisme soit inné. Je pense plutôt qu'il est acquis, durant l'enfance, soit de manière claire et ouverte, soit de manière insidieuse.

La manière claire et ouverte, c'est quand l'enfant fait partie d'une famille clairement raciste ou est en contact régulier avec une personne clairement raciste. Si l'enfant est baigné d'une atmosphère remplie de phrase comme "Les étrangers font du mal à la France", "on est plus chez nous" ou même "il faut se débarrasser des bougnouls", forcement il va acquérir cette haine, cette défiance franche à l'encontre de l’Étranger. La manière claire et ouverte est plutôt facile à contrer.

La manière insidieuse est différente. La manière insidieuse n'est pas une volonté de transmettre le racisme. C'est un ensemble de petits travers, de petites actions ou absences d'actions qui pourraient être évités.
La manière insidieuse, c'est élever l'enfant sans contact avec l'autre. J'ai eu la chance de beaucoup voyager avec mes parents quand j'étais gamin et de découvrir d'autres civilisations, d'autres cultures. Mais si je pense aux gamins qui étaient en primaire et au collège avec moi, je peux dire que très peu d'entre eux ont eu cette chance. La plupart ont grandi dans un petit village dans une vallée, loin des grandes villes, entre personnes d'un même groupe. Quand je repense à mon enfance, à mon école, aux messes auxquelles j'ai assistées, je ne vois que des visages blancs. Pas un asiatique, pas un noir, pas un arabe. Alors comment savoir que l'Autre est égal (bien que différent), si l'autre n'existe pas?
La manière insidieuse, c'est laisser l'enfant à portée de remarques ou de comportements racistes sans lui indiquer le danger inhérent à ces comportement. La manière insidieuse, c'est laisser l'enfant voir des couvertures de magasines à tendances racistes sans lui expliquer que ce sont des opinions et non des faits. La manière insidieuse c'est laisser l'enfant voir un reportage sur un cas particulier sans lui indiquer qu'on ne peut pas en tirer de généralisations. (On ne le répétera jamais assez : il ne faut PAS généraliser!)
La manière insidieuse, c'est faire arrêter une gamine dans un bus scolaire sans aucun autre crime de sa part que d'être étrangère. C'est faire un discours sans haine franche, mais plein de petites phrases méprisantes ou d'un argumentaire qui peut sembler tellement logique, puis le diffuser dans les médias.
La manière insidieuse, c'est déclamer des clichés ou tenter de faire de l'humour, sans penser à mal, sans faire attention, mais à portée d'esprits malléables
Cette manière insidieuse est plus difficile à repérer et plus difficile à contrer. Elle se base sur des petites actions répétées. C'est un travail sans relâche que de lutter contre elles. Nous sommes tous coupables. Soit parce nous ne réagissons pas, soit parce que justement nous agissons par ces travers. Il nous faut donc tous faire attention. Triplement attention. Une première fois pour contrer les racistes francs et clairs, ceux qui crient "Nous sommes chez nous" ou "dehors les étrangers". Une deuxième fois pour réagir contre les petites actions plus calmes et moins visibles. Et une troisième fois pour éviter de faire nous mêmes des bêtises de ce genre.

Personnellement, j'ai eu de la chance. Mes parents m'ont montré que l'Autre n'est pas méprisable, n'est pas dangereux, est à la fois différent mais semblable. Mes parents m'ont fait visiter d'autres pays. Et si il m'est arrivé d'avoir peur sur le moment, peur de ces gens tellement différents, qui parlent une autre langue, maintenant je leur en suis reconnaissant.
Et j'ai aussi eu la chance (même si je suis maintenant apostat et agnostique) de suivre des cours de catéchisme. Des cours qui m'ont appris eux aussi le respect des autres êtres humains. Qui m'ont appris qu'il existe des gens avec des couleurs de peux différentes, mais que tous ces gens sont aussi humains que moi. Et ceci dans une paroisse paumée de 1500 ouailles.

Et pourtant, pourtant...
Hier, pour aller assister à un débat sur l'éducation, je suis allé à la Reynerie, un quartier de Toulouse. Ce qu'on appelle communément une banlieue. De grandes barres en béton, des petits commerces au milieu et beaucoup de personnes, faisant leur courses, rentrant chez eux ou passant du temps ensemble. Rien de menaçant, rien d’effrayant. Des vies normales. Et pourtant, je ne me sentais pas bien. Inconsciemment, je m'attendais à ce que quelque chose se passe mal. Inconsciemment, je pensais que je n'étais pas à ma place. Consciemment, je me suis répété que je n'avais rien à craindre, qu'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter. Et pourtant, j'ai été tellement programmé, tellement influencé, endoctriné même, par des références externes, que je ne me sens pas bien dans certains quartiers de ma ville. C'est complètement idiot. Mais c'est instinctif. Viscéral.

Si nous voulons vivre ensemble, si nous voulons faire disparaitre le racisme, si nous voulons que la peur et la haine de l'Autre s'en aillent, nous devons faire disparaitre ces réactions viscérales

Commentaires

1. Le dimanche 20 octobre 2013, 18:22 par Montagnisa

Ces réactions viscérales dont tu parles ne sont que des manifestations de la peur de l'Autre, de la peur de l'inconnu, propre à chaque humain. Mais notre société actuelle entretien voire cultive ces peurs archaïques. Il suffit d'allumer le petit écran ou la radio...

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